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C'était une journée bleue et verte. Une de ces journées où l'été glisse dans l'automne, et où la lumière, ambiguë, est délicieuse.

Dans les broussailles, dans le silence de cette semi-liberté sauvage, j'ai posé les mains sur la pierre craquelée de la maison. J'y ai même posé la joue, comme pour entendre battre son coeur. Peut-être comme pour entendre le murmure des souvenirs, des vivants qu'elle a abrités. C'est ici que je suis née. 

Dans cette partie du jardin, mille fois arpentée, mille fois oubliée, j'ai senti l'odeur complexe de plantes dont je ne connais pas le nom, et dont l'odeur pourtant faisait se réverbérer dans ma mémoire des instants vécus ici à l'époque de l'enfance, et oubliés ailleurs à l'époque où on la quitte. 

Cette madeleine puissante fit naître en moi cette pensée que la maison pouvait ne pas être seulement un lieu de fantômes, mais bien un lieu de la vie. Ce sentiment m'était sans doute inspiré par l'immuable réincarnation de la nature, cette pensée avait peut-être été amenée là par le hasard de l'impossible tendresse de la lumière. 

De quoi se souvient la pierre, elle qui ne meurt pas ?

Notre chimie se mêle au monde, et si être née ici m'a formée, mon déracinement m'a transformée. Je n'ai plus l'odeur de mon jardin, plus l'odeur de ma maison. Mais je les reconnais entre mille.
De quoi se souvient l'humain, lui qui meurt sans cesse ?

J'ai appris par coeur à force de tant l'aimer le refrain de la chanson Tennessee, vers qui content d'autres Éden, d'autres deuils de la terre, d'autres histoires à l'autre bout du monde. Pour évoquer ce jardin qui a été mon Tennessee je ne pourrais parler de Beefsteak when I'm working, ni de Whiskey when I'm dry, mais je pourrais certainement parler de Sweet Heaven when I die.

 

septembre 2019

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