Beaucoup de temps a passé depuis que je t'ai quittée pour la dernière fois. Beaucoup de larmes aussi.
Je ne sais si je retrouve une partie de moi en toi mais en tous cas il semble que j'y retrace une partie de l'histoire de ma vie. Car c'est un peu ici plus qu'ailleurs que se sont déployées, sous cette lumière si particulière, différentes étapes de mon existence. Et aujourd'hui encore, le deuil d'un être cher, un des piliers fondamentaux de ma vie.
Il m'est apparu que la Naissance de Vénus qui m'avait tant émue par sa grâce et sa poésie à l'âge où l'enfance commençait doucement à s'estomper derrière moi avait été l'allégorie de ma propre renaissance.
Je me retrouve treize ans plus tard face à cette poétisation de mon entrée dans l'adolescence avec peut-être encore plus d'émotion. Car si toutes les femmes sont Vénus, il semble que je reconnaisse quelque chose de moi-même dans celle de Botticelli tout particulièrement. Peut-être dans la pudeur de sa féminité, mais plus encore peut-être dans la mélancolie de son regard, celle qui est née ici en moi et qui ne m'a plus jamais vraiment quittée.
J'ai souvent cherché ce que signifiait être "femme". Plus difficile encore est de comprendre ce qu'est être "soi-même", si jamais ces quêtes ont le moindre sens.
Moi-même est une femme, moi-même est une partie de Florence, une partie de Vénus, une partie de la Toscane, et je me rends compte que cette fois peut-être il me faudra quitter l'enfance pour de bon. Bien que je n'oublierai jamais celle qui, à treize ans, contempla Vénus pour la première fois, et qui, la regardant longuement, trouva un apaisement dans l'idée de grandir, de renaître, et donc de mourir un peu.
La naissance de Vénus, la naissance de la femme en moi, aura peut-être bien pris treize années, treize étés, de la Toscane à la Toscane.
On parle souvent de conserver l'enfant en soi, plus rarement d'accueillir, avec confiance, l'adulte en soi.
Florence, août 2015